Lorsqu’il s’agit de s’atteler à l’épineux choix d’un amplificateur hifi, le mélomane se trouve immanquablement confronté à d’innombrables paramètres à prendre en compte. Une multitude de composantes à intégrer à une équation complexe, dont la résultante est prédéterminée : sa béatitude musicale. Très haut dans cette liste de caractéristiques fondamentales, culmine la classe d’amplification de l’appareil en ligne de mire. Car outre la puissance déployée par la bête, il importe notamment de savoir comment celle-ci va être déployée afin d’accélérer de manière exponentielle le rythme cardiaque de son propriétaire. Et c’est là qu’entrent en considération - comme toujours - les ambitions musicales de l’acquéreur, son budget, ses libertés en matière de place allouée au système en devenir, et... sa tolérance concernant ses factures d’électricité à venir !
Rappelons rapidement le fonctionnement d’un amplificateur. Dans un système hifi, le préamplificateur envoie une forme d’onde analogique à l’amplificateur - celle-ci est l’équivalent électrique de l’onde sonore à reproduire. À l’intérieur de l’amplificateur, des transistors de sortie sont chargés de contrôler les enceintes. Lorsque ces derniers sont alimentés par une charge positive, le haut-parleur est poussé vers l’avant. Lorsqu’une charge négative leur est envoyée, le transducteur est tiré vers l’arrière - utilisant ainsi l’air pour vibrer de la même manière que la performance originale, et reproduire le son qu’elle a délivré. Pour ce faire, l’amplificateur se voit octroyé un procédé, déterminé par une "classe d’amplification" spécifique.
Pour plus de clarté, il convient ici d’expliquer ce qui se cache derrière ce nébuleux terme. La "classe d’amplification" donc, définit la manière dont les composants électroniques et électriques d’un amplificateur réagissent lorsqu’il n’y a aucun signal audio traité. Cet état, appelé "point de repos", détermine le taux d’activation des transistors et la classe d’amplification. Ce principe concerne autant les amplificateurs stéréo voués à la restitution musicale, que les amplificateurs multi-canaux dédiés au home cinéma.
Et dans le domaine, chacun – fabricants et passionnés – a tendance à prêcher pour sa paroisse. Les puristes n’ont souvent d’yeux que pour la fameuse classe A – au diable les considérations énergétiques ! - les petits budgets lui préfèrent souvent la compacité et le rendement de la bien plus démocratique classe D, alors que d’autres pensent avoir trouvé le compromis idéal avec la sérieuse mais conciliante classe AB ! Voilà qui devrait combler tous les mélomanes nous direz-vous… et bien c’était sans compter sur la prestigieuse classe G : tropisme des concepteurs premium, elle s’est notamment attiré les faveurs de la rigoureuse maison ARCAM, qui n’a pas hésité, il y a quelques années, à s’approprier quelque peu le concept, afin de l’élever au rang d’art. Un brio qui s’illustre à merveille au sein de sa dernière gamme d’électroniques Radia.
Mais n’allons pas plus vite que la musique, et commençons par nous attarder sur les caractéristiques de chacune des classes d’amplification actuellement disponibles sur le marché audio et vidéo.
Retour sur les diverses classes d’amplification
Classe A : l’intouchable
Si elle est indéniablement la plus ancienne des classes d’amplification énumérées ci-dessous, la classe A se voit tout de même encore grandement usitée en hifi, essentiellement dans les conceptions dites haut de gamme, en raison du caractère naturel et chaleureux des restitutions musicales qui émanent de son utilisation.
Le principe de base de la classe A est la polarisation constante à 100% des transistors. Ainsi, les circuits électroniques de la classe A fonctionnent perpétuellement à 100% de leurs capacités, à bas comme à haut volume, et ce, y compris lorsqu’aucun signal audio n’est traité. Ce fonctionnement très stable, dissipant une puissance constante, permet d’endiguer toute distorsion éventuelle qui pourrait polluer le signal de sortie, offrant en conséquence une grande précision et une véritable « chaleur » à ce dernier. Ce son plus analogique, avec plus de matière, est souvent plébiscité par les audiophiles, qui y décèlent une image sonore et une spatialisation supérieures. S’il n’optent pas pour la démesure en termes de puissance affichée, les amplificateurs en classe A n’auront en revanche aucun mal à alimenter les enceintes les plus exigeantes.
Cependant, le fonctionnement continuel à 100 % des transistors engendre une dissipation thermique importante : ces amplificateurs tendent à chauffer énormément, puisque beaucoup d’énergie est gaspillée. Ces modèles sont donc généralement équipés de radiateurs pour évacuer efficacement la chaleur. Autre aspect peu « eco friendly », le rendement de ses amplificateurs étant très moyen - s'élevant difficilement à 25% - ils nécessitent le concours d’une alimentation opulente... et donc consommatrice de courant.
Classe B : la disparue
La classe d’amplification B prévoit un fonctionnement à 50% des composants d’amplification au point de repos. Si le rendement de ce type d’amplification est supérieur à celui de la classe A, la qualité de son signal de sortie est très relative. Affligés par plus de distorsion, les amplificateurs de classe B sont ostensiblement moins musicaux, et il est donc devenu rarissime que des fabricants d’amplificateurs hifi ou home-cinéma utilisent cette classe d’amplification. Nous nous penchons uniquement ici sur ce procédé dans le but d’éclairer le suivant, à savoir la classe AB.
Classe AB : la consensuelle
La gamme Radia d'ARCAM ouvre le bal de son amplification avec deux modèles d'amplificateurs intégrés de classe AB, avant de monter en gamme, et passer à la classe G
Positionnée à mi chemin entre les classes A et B, la classe AB place le point de repos des composants d’amplification entre les 100 % de la classe A et les 50 % de la classe B, et s’adapte au fur et à mesure de la demande - selon l’amplitude du signal d’entrée, l’amplificateur fonctionne en classe A ou B. C’est une amplification plus linéaire, certes moins efficace à bas volume que la classe A, mais plus performante à haut volume que la classe B, le tout, avec une consommation énergétique raisonnable et un rendement très acceptable. Grandement utilisée en hifi, puisque considérée comme « le meilleur des deux mondes » entre les classes A et B, l’amplification de classe AB se retrouve aussi bien dans le marché de masse, qu’au sein d’appareils dits plus exclusifs - une profusion qui peut rendre difficile la différenciation entre bonnes et mauvaises électroniques, sujettes à un peu trop de compromission dans leur conception. De plus, lorsqu’elle est confrontée à des signaux de grande amplitude, les variations de courant de la classe AB peuvent générer une distorsion dans les hautes fréquences qui se manifeste souvent par un son sensiblement plus agressif, notamment lors d'écoutes à haut volume.
Classe D : la populaire
L'amplificateur connecté Ruark Audio R610, star du moment, opte pour une amplification en classe D, prouvant le potentiel réjouissant de cette dernière
Classe d’amplification assez récente, plus petite et plus légère que ses honorables congénères, la classe D a révolutionné le domaine en permettant de miniaturiser les amplificateurs - du véritable pain béni pour l’intégration, ou la portabilité des produits. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la classe D ne renvoie pas au terme « Digital ».
Ici, l’amplificateur est à 0% de ses capacités lorsqu’il est au repos. Les amplificateurs en classe D fonctionnent en utilisant une série de commutateurs pour convertir le signal sonore en une forme d’onde de tension, ce qui permet une amplification efficace, sans gaspiller d’énergie sous forme de chaleur. Ce sont donc les amplificateurs qui consomment le moins de courant, et qui peuvent fonctionner avec un circuit d’alimentation modeste. Ces détails se répercutent inéluctablement sur le coût de ces appareils, forcément plus démocratiques.
Si les débuts de la classe D furent assez chaotiques - avec une qualité sonore assez médiocre - de nombreux progrès ont été fait par les concepteurs hifi en la matière, et les modèles récents de ce type offrent désormais une écoute tout à fait agréable : les amplificateurs en classe D ont tendance à avoir une distorsion harmonique très faible, leur permettant de produire un son de haute qualité sans adjonction de bruit ou de distorsion indésirables. Les amplificateurs de classe D profitent donc d'un haut rendement, de l'ordre de 80-90%, tout en fournissant un son de grande précision. La classe D permet une très bonne maîtrise des graves, le meilleur rapport signal/bruit, et un vrai silence de fonctionnement.
Cependant, les amplificateurs en classe D ont également leurs limites. Leur point faible réside notamment dans la restitution à faible volume, alors que des interférences électromagnétiques peuvent affecter la qualité du son, en particulier si l’amplificateur n’a pas été conçu ou isolé avec déférence. Et bien-sûr, d’aucuns vous diront que le son de la classe D est un peu plat, et un brin trop analytique, lui préférant la chaleur et le naturel de la classe A ou d’une amplification à tubes - chouchou des audiophiles. Mais, comme dirait l’autre, « tous les goûts sont dans la nature ».
La classe G expliquée
Vue intestine de l'amplificateur connecté ARCAM Radia SA45, et son alimentation repensée pour la classe G
La promesse de l’amplification en classe G est simple : une efficacité et une transparence à l’écoute accrues, avec moins de dommages énergétiques, et une adaptabilité universelle en matière d’enceintes. Voilà, qui laisse rêveurs… Alors pourquoi n’est elle pas devenue la norme? Et bien parce qu’elle est complexe à élaborer, et coûteuse à concevoir. Mais lorsqu’elle mise au point avec maestria, elle permet la mise sur le marché d’appareils puissants, sans compromis, capables de conserver un contrôle total du signal audio.
À l’instar d’un moteur de voiture hybride, la classe G met en œuvre plusieurs alimentations plutôt qu'une seule. Lorsque le signal reçu dépasse la capacité de la première alimentation, l'alimentation secondaire est progressivement amenée jusqu'à la puissance nominale totale en fonction des besoins. Cette conception est très efficace, car la puissance supplémentaire n'est utilisée qu'en cas de besoin. La première alimentation est de plus faible puissance et fonctionne en pure classe A, sans distorsion. Comme l'alimentation secondaire n'est utilisée qu'en cas de besoin, il est possible d'atteindre des niveaux de puissance extrêmes, car l'amplificateur perd très peu d'énergie sous forme de chaleur lorsqu'il n'est pas utilisé.
Mais comme explicité plus haut, tout cela sous-entend un véritable challenge d’ingénierie. Car cette activation sporadique de l’alimentation secondaire à haute vitesse et haute puissance entraîne une inévitable distorsion, que les concepteurs doivent donc endiguer, via un design complexe, fruit d’une longue recherche. En effet, le positionnement de cette alimentation secondaire et de ses composants corollaires dans l’appareil, sans déclencher une multitude de problématiques supplémentaires est loin d’être une chose aisée. Cette dernière occupe une portion d’espace significative, et ajoute une dimension pécuniaire non négligeable à la conception de ces appareils forcément premium.
La classe G illustrée
Il est donc assez facile de conclure qu’une amplification en classe G incarne l’hybridation parfaite : elle bénéficie de la superbe d’une restitution en classe A, tout en améliorant drastiquement son rendement, et exalte les talents de la classe AB en supprimant la distorsion qui lui est associée. La véritable illustration de ce fameux « meilleur des deux mondes » en somme. Et si son coût est en effet plus élevé, les performances de la classe G le justifient amplement pour tout mélomane qui se respecte.