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La Culture Vinyle

29/11/2021
Introduction au microsillon

Le rapport de chacun à la musique est tout particulièrement subjectif, et souvent viscéral. Alors que certains trouveront la béatitude dans la précision ultime d’une écoute spectrale haute résolution, pour d’autres, souvent fans anachroniques du rock’n’roll, la préciosité concrète du geste analogique reste le sacrement musical le plus proche d’une communion tangible avec le charme ésotérique d’un Jim Morrison, les minauderies suaves d’un Robert Plant, ou la liberté antipathique d’un Lou Reed. L’un n’empêche pas l’autre, bien entendu, mais pour ces apôtres là, c’est le microsillon qui prime lorsqu’il s’agit de traduire au mieux leur dévotion mélomaniaque. Ce sont les couleurs bariolées des pochettes 33 tours qui constituent le nuancier Pantone de leur goûts musicaux assurés. Une ferveur longtemps tombée en désuétude, qui connaît un vigoureux regain mystique depuis quelques années. À ceux qui avaient précieusement conservé les reliques phoniques de l’ère glacière de leur existence, s’est joint toute une génération de rejetons mélomanes, nostalgiques d’un inconnu fantasmé, désireux de tremper leurs lèvres dans le calice du rock. Ce dossier est donc affectueusement dédié à ces impétrants du paradis rock’n’roll, mais également à toi - oui toi - novice de la galette noire, qui trouvera ici un humble succédané de manuel initiatique au merveilleux culte du vinyle.   

 

LA GENÈSE.

C’est à la maison de disque américaine COLUMBIA que revient la paternité du disque microsillon - patronyme rapidement démocratisé par la synecdoque vinyle – qui, en 1948, envoie fissa papy le disque phonographique 78 tours et son gramophone dans le formol. Galvanisée par les premiers spécimens de tourne-disques à amplification électronique, et la toute récente découverte du polychlorure de vinyle, la conception de ce nouveau support de diffusion d’enregistrement sonore va dramatiquement changer la donne pour artistes et mélomanes de l’époque. Durée d’enregistrements considérablement étirée, son magnifié aux détails sans précédents, et très vite, apparition de la stéréophonie dans les années 50, font du procédé d’écoute vinyle une véritable bénédiction pour tout amateur du 4ème art majeur. 

Les deux principaux formats de ces enregistrements analogiques se déclinent en LP - long play -, en 33 tours/minute, atteignant les 40 à 60 minutes de musique réparties sur deux faces, et EP – extended play - ou single, respectivement 4 à 5 titres ou un seul, en 45 tours/minute. 

Très bien. Mais comment ça marche, me direz-vous ?

 

 

Toute la surface du disque vinyle - qui se lit de l’extérieur vers l’intérieur - est engravée d’une circonvolution qui, à échelle microscopique, se délite en aspérités concaves ou convexes. Ce sillon forme un V dont chacune des parois délivre un « message » spécifique au canal droit ou gauche. Lors de l’effleurement des ces altérations par la cellule phono et sa pointe, plus communément appelée « diamant » - depuis les années 60 et l’abandon du saphir, qui usait le vinyle à vitesse grand V - elles se muent en un signal électrique qui sera égalisé, amplifié, et enfin, restitué par les différents acteurs du système audio. Nous y reviendrons un peu plus loin. 

Alors, oui, il est vrai que le vinyle n’est pas à la pointe de la transparence phonique absolue, particulièrement lorsqu’il est mis en balance avec les supports numériques actuels. Bien que le débat analogique vs numérique soit toujours ardent parmi les passionnés…

Les puristes du genre plaideront ce supplément d’âme qui fait la différence. Ces petits sons signatures qui font de l’écoute d’un vinyle une expérience unique, ritualisée, gracieuse et émouvante. 

Et puis la beauté palpable de l’objet. Après tout, peut-on faire ceci avec un fichier FLAC ?

 

 

Je ne crois pas.

  

ANATOMIE D’UNE PLATINE VINYLE

 

 

 

Prise d’alimentation : La base. Le branchement au secteur pour que la magie opère.

 

Connectique phono : Sortie RCA qui accueille le câble phono, lui même connecté, si la platine ne prend pas en charge la pré-amplification phono, à un pré-amplificateur RIAA - pas de panique, on vous explique tout plus loin - ou un amplificateur intégrant un étage phono.

Le câble phono se doit de posséder une masse terre afin d’assurer une transmission idéale du signal audio entre la platine et l’amplificateur. 

 

Interrupteur Marche/Arrêt : Dédié à la mise en route de la platine. Evidemment.

 

Sélecteur de vitesse : Permet de déterminer la vitesse de lecture (33 ou 45 tours/minute) selon le support audio choisi. Sur certains modèles de platines, cette sélection se fait manuellement, en déplaçant la courroie sur la poulie. 

 

Plateau : Réceptacle de la fameuse galette noire. Souvent habillé de feutrine, de cuir ou de liège. Ses caractéristiques - épaisseur, densité, matière - sont à prendre en compte, car elles pourront s’avérer capitales quant à la performance de la platine. L’addition d’un couvre-plateau - voire le changement total du plateau - reste une possibilité pour faire évoluer une platine vers des performances plus subtiles. 

 

Poulie étagée du moteur : Cette pièce intimement liée au mouvement du moteur engage la courroie d’entrainement dans sa rotation.

 

Courroie d’entraînement : Ruban caoutchouc qui déclenche le mouvement circulaire du plateau, absorbant au passage les vibrations du moteur et les bruits parasites corollaires. 

 

NB : La poulie et la courroie ne seront présentes que dans le cas d’une platine à entrainement par courroie donc, en opposition à une platine à entraînement direct, qui elle est conçue de sorte que le moteur soit directement lié à l’axe du plateau, permettant un démarrage et un arrêt instantanés de ce dernier, et une vitesse de rotation constante. Les partisans des platines à entrainement par courroie argumenteront que l’entrainement direct et son moteur jouxtant le plateau provoquent des vibrations nuisibles à la qualité d’écoute. 

 

Contrepoids : Gère la force d’appui de la cellule phono sur la surface vinyle. Se détermine en rapport à la cellule choisie, et aux recommandations du fabricant de celle-ci. Un contrepoids parfaitement ajusté garantit la longévité des fragiles galettes noires et diamant. 

 

Anti-skating : Agit sur la force centripète qui influe sur la course du diamant vers l’intérieur du vinyle. En équilibrant l’intensité de cette trajectoire curviligne, l’anti-skating préserve l’intégrité du support et du diamant. Une molette de réglage permet une synergie idéale entre ce sytème anti patinage et la cellule. 

 

Bras de lecture : Le maestro, à qui revient la lourde responsabilité du port de la cellule phono et de son cheminement harmonique sur le vinyle. De la forme, de la matière, du poids et de la rigidité du bras dépendront la qualité de lecture. Les bras de forme « I », les plus communs, confèrent une précision de lecture souvent proportionnelle à leur longueur. Un bras plus succinct -  dans le cas des petits modèles de platines par exemple - adoptera une forme en S ou en J, un tracé truffé d’angles additionnels qui sous entend quelques concessions concernant les vibrations et résonances potentielles. Le changement du bras de lecture permettra potentiellement, à ceux aspirant à une évolution de leur platine, d’améliorer significativement ses performances.

 

Lève-bras : Manuel ou automatisé, le lève-bras permet de déplacer délicatement le bras de lecture et la cellule phono sur, ou hors, du vinyle. 

 

Repose-bras : Logement du bras de lecture hors utilisation. 

 

Porte cellule avec doigt lève-bras : C’est ici qu’est fixée la précieuse cellule phono. Ce deuxième lève-bras, exclusivement manuel, apposera précisément le diamant sur la surface du vinyle ou, encore une fois, hors du disque si besoin. 

 

ZOOM SUR LA CELLULE

 

 

 

Sorte de capteur fixé à l’extrémité du bras de lecture, c’est la cellule, et plus particulièrement son diamant, qui va parcourir le fameux microsillon du vinyle, afin d’en tirer les informations qui seront muées en signal électrique. Cette pointe est réellement taillée dans la sémillante pierre précieuse qui a fait vibrer les plus belles femmes du monde, de Marilyn à Rihanna. Les modèles entrée de gamme apposent ce diamant sur une embase, un support métallique qui permet à la fois de diminuer leur coût de fabrication, mais également d’intensifier le poids de la cellule, sa capacité à se mouvoir, et donc à émouvoir… 

De la forme du stylus – autre alias du diamant – , principalement sphérique ou elliptique, dépendra la précision du signal, mais également la durabilité de la cellule ou l’usure des vinyles. Une pointe elliptique par exemple, aura une surface de contact plus ample avec le microsillon, et captera davantage d’informations que son homologue sphérique, mais exigera des réglages plus aboutis et une vigilance accrue quant au remplacement du diamant. Un stylus microlinear est calqué au plus près de la forme du burin originel utilisé pour graver le disque matrice par exemple, en résulte une usure moindre des vinyles et de la pointe de lecture. Les cellules haut de gamme proposeront des pointes contact - a.k.a. Shibata, Line Contact, Fine Line ou autre selon les fabricants - dérivées des profils elliptiques, mais nettement plus fines et travaillées, qui offrent une restitution plus détaillée et de meilleurs aigus. Ce diamant est également plus doux avec vos précieux disques. Un cran au dessus, les pointes Micro Line ou Micro Ridge, directement inspirées des proportions du burin originel de gravure des disques - et donc celles bénéficiant de la plus grande surface de contact avec le microsillon - apportent nuance et détails à l’écoute et une infime propension à la distorsion. L’adoption de ces formes plus performantes se présentent comme une option d’optimisation idéale de la platine.  

Les modulations du stylus sont transmises au cantilever – le levier porte-pointe - en aluminium, en bore ou en carbone, qui se doit d’être aussi rigide et léger que possible afin d’atteindre une précision de lecture optimale. 

 

 

Les cellules phono se divisent en deux principales sous catégories : la cellule à aimant mobile – MM, pour Moving Magnet - , la plus répandue, à la conception moins laborieuse et onéreuse, adaptable à une la grande majorité des préamplificateurs phono, et la cellule MC – Moving Coil a.k.a. bobine mobile - , à la structure technologique plus poussée, et au niveau de sortie plus ou moins faible selon les modèles. Ces dernières doivent être compatibles au bras de lecture de la platine. 

Dans le cas des cellules MM, un aimant est fixé sur à l’extrémité du cantilever, et se déplace entres deux bobines constituées de fil (communément en cuivre) : c’est ce mouvement qui matérialise le signal électrique. Les cellules MM permettent le remplacement du diamant en cas de casse ou d’usure naturelle – 600 à 700 heures de lecture moyenne pour une platine adéquatement réglée – , à l’inverse d’un modèle haut de gamme qui demandera une substitution complète de la cellule MC. 

Pour la cellule à bobine mobile, comme son nom l’indique, le concept délivrant le signal électrique est inverse. C’est une bobine unique qui est fixée au cantilever, et c’est elle qui va créer le signal en se déplaçant sous un aimant immuable. Un procédé plus limpide, grâce à l’apesanteur des bobines et du cantilever sur ces modèles plus complexes, qui sous-entendent également l’adoption d’un système audio adapté – notamment au niveau de la pré-amplification - et donc sensiblement plus exigeant.

Le corps des cellules est lui aussi soumis à une conception très étudiée, matières et formes s’avérant déterminantes concernant résonances et parasites éventuels. La maison haut de gamme Koetsu, par exemple, s’attelle à des matières premières toutes plus nobles les unes que les autres - de l’aluminium anodisé, à la roche minérale, en passant par le bois de rose pur - sélectionnées pour leurs performances phoniques. Un concepteur au positionnement sensiblement plus accessible tel qu’Audio Technica proposera des cellules allant du plastique à l’aluminium. 

Le passage d’une cellule MM à une cellule MC, d’une forme de diamant à une autre, ou la sélection d’une cellule aux composants plus nobles, constituent diverses possibilités d’évolution notables pour la platine et ses performances. 

 

DISSECTION DU SYSTÈME AUDIO ANALOGIQUE IDÉAL

Vous l’aurez compris, la délectation de l’écoute vinyle se mérite. Chaque composante de celle-ci se détermine avec sagacité. Une fois la platine - et sa cellule phono - sélectionnée, encore faut-il l’insérer dans un système audio qui saura la mettre en valeur. 

Première étape, et pas des moindres : le pré-amplificateur phono. Condition sine qua non des vocalises de la platine, il est particulièrement prisé par les audiophiles, qui préféreront volontiers un système séparé à une pré-amplification phono inhérente à certaines platines, ou plus rarement, à un amplificateur qui intégrerait un étage phono. By passer une pré-amplification intégrée devient alors un moyen intéressant d’élever son écoute analogique vers une dimension audiophile. Mais n’allons pas plus vite que la musique. 

 

 

Le pré-amplificateur phono, donc, remplit la mission fondamentale d’exalter le murmure (littéral!) qu’exhale la platine dépouillée de pré-amplification. Ce signal inaudible émane en réalité de la cellule. Il va alors être pris en charge, traduit, égalisé, et « amplement amplifié » donc, par le pré-amplificateur phono via un câble spécifique, consciencieusement choisi lui aussi. 

Également appelé pré-amplificateur RIAA en référence à la courbe de réponse en fréquence normée - fixée par la Recording Industry Association of America - utilisée lors de l’enregistrement des disques vinyles, il va appliquer une courbe de correction inverse sur le signal : une égalisation RIAA, qui restituera en lecture les basses fréquences atténuées lors de l’enregistrement.Dans l’éventualité de l’adoption d’une cellule MC, le pré-amplificateur doit impérativement être compatible à cette typologie.

 

Et voilà, nous y sommes. Platine, pré-amplificateur phono, pré-amplificateur, amplificateur et enceintes : le système est complet, et prêt à distiller les vapeurs d’un rite vaudou rock dont vous nous direz des nouvelles...

 

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