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AMBIENT CINEMA

Netflix et la logique de l'algorithme

05/09/2025
Qu'avons-nous fait au cinéma ?

Nous ne vous apprendrons rien en affirmant que nous vivons actuellement dans une société hautement « algo-rythmée ». Et au grand dam des cinéphiles, ce constat s'avère de plus en plus pertinent en matière de créations cinématographiques. Car il est bien loin le temps où Netflix jouait les généreux mécènes d'un cinéma alternatif et audacieux, arrosant de billets verts les élucubrations géniales de Bong Joon-Ho – Okja, 2017 - d'Alfonso Cuarón – Roma, 2018 – ou du doux dingue Charlie Kaufman – I'm Thinking of Ending Things, 2020. Bien loin le temps où une satire artsy et gore du genre de Velvet Buzzsaw – Dan Gilroy, 2019 - pouvait apparaître l'air de rien sur votre page d'accueil, et sauver votre dimanche soir d'un ennui certain. Depuis la dégringolade des abonnements post-Covid, la plateforme – qui, en leader indéboulonnable du marché, comptabilise tout de même plus de 300 millions d'utilisateurs – a radicalement changé sa stratégie mercatique. Et pas franchement pour le meilleur semble-t-il. 

 

 

On a le cinéma qu'on mérite ?

Désormais, le mastondonte du streaming vidéo semble obnubilé par la capacité d'attention désolante de l'usager lambda. En effet, les scénaristes des productions maisons auraient dorénavant pour consigne de faire en sorte que « les personnages annoncent ce qu'ils sont en train de faire afin que les spectateurs qui regardent le programme en arrière-plan puissent suivre l'intrigue ». Pis encore, les-dites œuvres sont calibrées pour s'adapter à la multiplicité des écrans – téléviseurs, tablettes, smartphones etc. Elles doivent donc se conformer à un carcan esthétique, et à un mixage sonore spécifique, transposables dans toutes les conjonctures, quels que soient l'environnement ou le matériel de visionnage – un home cinéma cinq étoiles dans un salon bien cosy, ou un cellulaire déglingué dans une rame de métro blindée. 

Et Netflix, avec ses 301 millions d'abonnés et le capital qui va avec, produit plus de 100 films originaux – oui enfin... c'est une façon de parler - par an, ce qui rend la plateforme plus prolifique encore que les studios hollywoodiens de la grande époque. On est donc en droit de s'inquiéter quant à l'influence de ce canon défini par l'acteur le plus puissant du milieu cinématographique actuel sur le septième art. Des films aux titres qui annoncent la couleur, dont les ressorts scénaristiques ne surprennent plus personne, et tout à fait compatibles avec le fait de stalker d'un œil votre ex – qui ne vous méritait pas de toute façon – sur Instagram. Mais comment en sommes-nous arrivés là ?

 

 

Des tonnes de chiffres... mais zéro prises de risques

Tout commence à la fin des années 2000, lorsqu'un cinéphile matheux de Netflix se met en tête de d'améliorer la personnalisation des recommandations de la plateforme en « taggant » les œuvres selon une multitude de subdivisions – 77000 pour être exact - interloquées les unes avec les autres. Exemple : vous aimez les « films d'horreur ». Et les « biopics musicaux ». Mais aussi les reportages sur le macramé. Et bien le jour où Netflix produit un slasher movie mettant en scène un tueur déguisé en Elvis qui laisse un napperon sur le visage sanguinolent de ses victimes, croyez bien que vous en serez le premier informé. 

Pour s'assurer que ces suggestions tombent juste, Netflix va se mettre à développer ces sous-genres de manière exponentielle, et les étudier avec minutie pour en dégager des tendances. Quand avez-vous regarder tel contenu ? À quelle heure de la journée ? Sur quel type d'écran ? Êtes-vous allé(e) jusqu'au bout ? L'avez-vous regardé à nouveau ? Et si oui, combien de fois ? En 2017, le bon vieux concept de notation par les consommateurs est carrément abandonné en faveur des données susmentionnées. Il ne s'agit plus de proposer des œuvres en fonction de ce que les abonnés ont explicitement aimé, mais plutôt en fonction de ce qu'ils ont précédemment consommé. Et depuis 2020, Netflix considère un film comme vu par un spectateur au bout de deux minutes de « pellicule ». Inéluctablement, vos suggestions ont très certainement plongé dans la médiocrité après ça. 

 

 

Surtout que des choses médiocres, il y en a pléthore dans le catalogue Netflix ces derniers temps. Un catalogue modelé par ces spéculations mathématiques, dont émane une recette supposément implacable : un scénario facile à suivre, une star très relativement bankable à l'affiche - à l'aura juste assez sympathique pour appeler au clic - et un univers ultra référencé – à la Spielberg, typé Mad Max, ou Tarantinesque à souhait. Le genre de films ingérés et oubliés dans la foulée. Mais attention à l'indigestion chers amis cinéphiles, car si précédemment, Netflix assumait un procédé créatif basé à seulement 30% sur ces fameuses données algorithmiques, aujourd'hui, nous sommes en droit de nous interroger sur la place laissée par la plateforme aux véritables idées originales...

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