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Une fête des amoureux alternative, ça vous dit?

09/02/2022
Recommandations cinéphilliques interlopes pour St Valentin déniaisée

Ça y est, février est là. La St Valentin pointe donc sournoisement de nouveau son museau dans les parages, et ramène avec elle, comme à l’accoutumée, sa cargaison de rabat-joies aux postures cyniques. « Non mais attends mec, la St Valentin, c’est tellement un truc commercial, pas question que je me laisse avoir par cette injonction mercantile à la mièvrerie… » 

Bien, chers impudents, mettons tout de suite les choses au clair. Allez-vous éhontément tenter de nous faire croire que, chaque 25 décembre, vous enfilez des pulls douteux à faire saigner les rétines, absorbez une quantité décadente de vivres, et attendez avec impatience de lacérer des paquets cadeaux rutilants comme un enfant hyperactif en manque de Ritaline, par simple dévotion pieuse pour ce cher petit Jésus? Exactement. Toute fête, en 2022, se résume à une pure offensive consumériste. Maintenant que la messe est dite, il va falloir faire la paix avec cette fatalité, et éviter de blesser l’égo de votre moitié. Car croyez-nous sur parole, la fameuse phrase « La St Valentin, on la fête pas cette année, hein chéri(e)? » n’est jamais, ô grand jamais, sincère. Vous ne nous croyez pas? Soit, allez-y, faites comme bon vous semble, mais ne venez pas vous plaindre si Monsieur ou Madame, qui lui ou elle, aura acheté un « petit truc », ou préparé un petit plat « histoire de », lâche un bon vieux « non mais c’est pas grave… » à la crispation mandibulaire sans équivoque… On vous aura prévenus. 

Et puis en réalité, rien n’empêche de célébrer la chose de manière effrontée. D’où cette petite sélection de longs métrages romantico-insolites à des années lumières des rom-coms ronflantes made in Hollywood. Ici pas de de blondes archétypales - au choix : décérébrées, ou malignes mais hystériques - arborant un corps surréaliste calibré par une armada de producteurs libidineux visqueux sapés en Armani. Pas de bel homme à la virilité souvent à côté de la plaque - et tout aussi souvent quelques décennies plus âgé que l’objet (c’est le cas de le dire) de son affection, et jamais l’inverse évidemment - non plus. Et surtout, SURTOUT, pas de conte de fée téléphoné dont on connait déjà à l’avance tous les ressorts scénaristiques exaspérants. À la place, cinq oeuvres intelligentes, qui explorent l’amour marginal - Only Lovers Left Alive - et les leçons de vie qu’il procure - Harold et Maude - l’amour qui nait - Call Me by Your Name - celui qui s’évapore - Eternal Sunshine of the Spotless Mind - ou qui n’a même jamais réellement été là - Her

Le romantisme n’est finalement pas si tarte, n’est-ce pas?

 

HAROLD ET MAUDE, HAL ASHBY, 1971

Harold est un jeune nanti neurasthénique au tropisme particulièrement développé pour la finitude de l’existence. Heureux propriétaire d’un corbillard de loisirs, il assiste avec assiduité aux enterrements de parfaits inconnus. Suicidé contrarié professionnel, il trompe la mollesse mondaine de son quotidien en mettant en scène, avec un panache certain, son autolyse perpétuelle. Le sous-texte ici réside sans doute dans le flegme déconcertant de sa génitrice, qui, blasée par les exactions théâtrales hemoglobineuses de son fiston, ne daigne pas activer le moindre muscle facial en réaction, bien trop occupée à tenter de caser le garçon au plus vite avec une jeune fille bien comme il faut. Et tant pis si les prétendantes en ressortent traumatisées. Cette petite routine macabre se trouve bouleversée le jour où Harold fait la connaissance de Maude, délicieuse octogénaire sémillante et anti-conformiste, antidote magique au spleen congénital du gamin… Petite perle d’humour noir et de poésie désinvolte, Harold et Maude est une vraie belle histoire d’amour, à la vie à la mort, inconventionnelle au possible et pleine d’allégresse – et mise en musique par Monsieur Cat Stevens, s’il vous plaît… - qui change des irritants rictus affectés en cascade d’une Sandra Bullock/Katherine Heigl/Cameron Diaz…

 

 

CALL ME BY YOUR NAME, LUCA GUADAGINO, 2017

Elio, 17 ans, adolescent presque irritant tant il semble touché par la grâce, passe de douces vacances dans la sublime Italie du Nord, et ce, dans une villa qui ferait aisément péter l’audimat à M Comme Maison. Joli garçon, trilingue, cultivé, il n’a aucun mal à tomber les minettes des alentours. La Dolce Vita en somme. Puis débarque Oliver, grand étudiant yankee gaillard et arrogant, qui s’apprête à le sortir de cet émoussement affectif cossu, changeant au passage et à jamais votre perception d’une pêche bien mûre...

L’indolence fiévreuse des étés italiens, l’esthétisme désuet des eighties, la beauté des corps juvéniles pétris de pulsions érotiques gauches et bouleversantes… - et sans doute le plus beau générique de fin de tous les temps - Guadagino tisse une dentelle polyglotte sublime, délibérément esthétisée et contemplatrice, pas vraiment militante mais définitivement importante. Une bulle ouatée, onirique, qui transporte ses protagonistes loin de l’âpreté de la réalité homosexuelle des années 80. C’est exactement cela, Call Me By Your Name : un film cocon, poétique et sensuel, qui déconnecte de la vulgarité du réel, exactement comme le font les premiers temps d’une idylle amoureuse. 

 

 

ETERNAL SUNSHINE OF THE SPOTLESS MIND, MICHEL GONDRY, 2004

Amants très peu assortis, Joel et Clementine semblent avoir atteint le point de non retour amoureux. Aussi sanguine qu’il est atone, elle met un point final radical à leur histoire en ayant recours à un service d’amnésie assistée, neutralisant le pauvre homme de son disque dur cérébral. Joel, le coeur en miettes, n’a pas le choix, il doit lui aussi passer par la même procédure pour avancer… Un amour qui se délite, ça fait mal, et peu de films ont su retranscrire de manière aussi juste, poétique et foutraque, l’éclipse d’une romance. Cet instant où la dispute, ou l’habitude crispante de trop, met le feu aux poudres de la rancoeur chronique. Celle qui pourrait pousser à toquer à la porte d’une start-up à la promesse alléchante : cautériser votre palpitant cabossé en effaçant de votre psyché toute trace de votre vie commune avec…comment s’appelait-il/elle déjà?

La mise en scène bricolée et jouissive, typique du grand Michel Gondry, ex clippeur surdoué  - le MIA d’IAM c’est lui - sert à merveille les méandres scénaristiques de Monsieur Charlie Kaufman, génie au surmoi un brin désaxé, qui offre à Kate Winslet et Jim Carrey l’occasion de briller dans un contre-emploi virtuose. Un film qui mêle savamment le rire aux larmes, vous faisant poser un regard bienveillant sur votre propre histoire, aussi névrotique soit-elle. Honnêtement, si ce film ne provoque pas chez votre partenaire la moindre humectation oculaire, il sera clairement temps de questionner sérieusement le caractère sociopathe de votre moitié.

 

 

ONLY LOVERS LEFT ALIVE, JIM JARMUSCH, 2013

Niveau longévité amoureuse, les amants supra charismatiques du Only Lovers Left Alive de Jarmusch se posent là. Le très agréable à l’oeil Tom Hiddleston, vampire misanthrope et asocial, légende vivante (?) du rock’n’roll cloitrée et quasi vegan, et son alter égo antithétique - la toujours incroyable Tilda Swinton - forment un couple dandy-esque ultra désirable, désabusé - surtout Monsieur - par une éternité d’errance dans un monde qui semble courir à sa perte. Une version suceur de sang stylisée d’un Lou Reed – ombrageux surdoué sauvage – pour lui et d’une Patti Smith – liane boulimique littéraire, intense et androgyne – pour elle. Detroit et Tanger, théâtres de leurs turpitudes, donnent lieu à une perfusion profusion de références culturelles chicissimes. La bande son, toujours impeccable chez Jarmusch, habille ce film contemplatif, dépressif mais drôle. Après tout, l’ambivalence n’est-elle pas, pour nous, pauvres mortels, la substantifique moelle du vampire, quelque part entre aversion et attirance irrépressible? Une allégorie plausible d’un partenaire de vie de longue date peut-être? 

 

 

HER, SPIKE JONZE, 2013

Mon Dieu que Théodore est seul… En instance de divorce, il adopte une stratégie de l’évitement, rejouant inlassablement dans sa tête le film des morceaux choisis d’une relation – et d’une femme – sur-idéalisée. Car Théodore est un grand romantique, touchant, qui écrit de fausses vraies lettres manuscrites pétries d’émotions empruntées : c’est son travail. Que les femmes réelles – forcément souillées – embarrassent. Il acquiert alors un sytème d’exploitation ultra développé, un OS, sorte de dame de compagnie 2.0, remède au vide, et probablement à l’érotomanie aussi. Samantha est intelligente, vive, drôle, parfaitement calquée sur ses goûts, et émet les sons les plus suaves qui soient, puisqu’elle emprunte la voix d’une certaine Scarlett Johansson – en VO, évidemment. Très vite, les deux entités vont entamer une idylle…

La virtuosité modeste de Spike Jonze – superstar du clip – toute en esthétique feutrée et éthérée, anticipe un futur très proche – 2025 – particulièrement pertinent. Notre société de plus en plus virtuelle, laisse une place désormais diluvienne au fantasme. Un confort solitaire assumé et absolu, dans lequel est larvée la solitude, la vraie. Un film terriblement sensoriel, qui, à travers les codes de la comédie romantiques, posent des questions philosophiques bien plus vastes. 

 

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