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Les velléités des génériques des séries

22/12/2022
Des créations pas du tout génériques !

Okay. Nous sommes vendredi soir, et à peine rentré(e) d’une dure semaine de labeur, vous voilà qui communiez déjà béatement avec votre canapé dans vos plus beaux atours nocturnes, prêt(e) à poursuivre avec délectation la saison numéro 6954 de votre série du moment - de loin votre conjoncture spatio-temporelle favorite. C’est parti, vous dégainez la télécommande, l’épisode 72 est lancé, les premières notes si familières du générique retentissent… quand soudain, votre écran de TV a le toupet de vous demander si vous souhaitez sauter ledit générique dans une vulgaire frénésie de boulimie audiovisuelle, pour passer directement à la suite de l’intrigue. Foutu binge watching. Un affront que vous balayez instantanément d’un revers de télécommande, puisqu’évidemment, en bon série-vore 2.0, vous êtes bien au fait du caractère noble et fondamental du générique de votre sitcom moderne. Vous savez à quel point les showrunners ont surinvesti le segment introductif de leurs créations ces dernières années, y inoculant souvent des messages subliminaux, intelligibles uniquement pour l’audience la plus studieuse et assidue. Une sagacité sélective, témoin de la greffe réussie du spectateur dans l’univers de la série en question. Exemple particulièrement évident : le générique géopolitique de Game of Thrones, évolutif au fil des épisodes et des exactions sanguinolentes de ses protagonistes, que beaucoup d’ex accros ont confessé n’avoir JAMAIS zappé une seule fois. Autant dire un exploit pour ses créateurs.

 

Games Of Thrones (2011 - 2019)

 

Car le générique de série ne se résume plus à un gimmick musical fidélisant, énumérant le patronyme des petites mains derrière la conception de votre divertissement cathodique – un terme délicieusement désuet, mais nous assumons cet anachronisme – celui-ci bénéficie désormais d’un égard exponentiel des créatifs, exalté dans un premier temps au tout début des années 2000, a.k.a l’entrée dans l’ère de la série de prestige – The Sopranos (1999-2007), Six Feet Under, etc. - et revigoré depuis l’avènement des plateformes de streaming aux catalogues boursouflés de concurrence. 

 

Six Feet Under (2001 - 2005)

 

 

Une mutation fulgurante des modes de consommation, une ingurgitation massive plutôt qu’une dégustation… épisodique, qui encourage bien trop souvent le spectateur à occulter la séquence d’ouverture. D’où cette ambition d’hameçonner ce dernier, avec un segment souvent plus long, plus complexe, hyper-esthétisé et référencé au possible : la pièce d’identité d’une œuvre, sensée la démarquer d’une profusion impitoyable. Pour ce faire, des sociétés expertes en la matière sont réquisitionnées. Ces Mad Men de la fiction sérielle se spécialisent dans l’évocation de la substance de l’œuvre, sans trop en révéler. Un délicat travail de suggestion à travers une photographie léchée, une typographie idoine, une mélodie bien sentie. Définir une temporalité, une ambiance, une esthétique en somme.

 

Mad Men (2007 - 2015)

 

Devenu une catégorie de blind test à part entière – autant parler de consécration à ce niveau ! - le générique et ses quelques notes inoubliables est au spectateur captivé ce que le psychotrope est au junkie. Un euphorisant, la promesse d’une injection de plaisir imminente. Comédie, drame, horreur, chacun trouvera le narcotique télévisuel qui lui correspondra. Pour l’autrice de ses lignes, la panacée, subliminale à souhait, débutera toujours avec ces quelques notes : 

 

Mindhunter (2017 - 2019?)

 

 

Au delà d’un rôle évident de contextualisation, le générique est donc l’antichambre de la série, un préliminaire rituel durant lequel est inoculée sa première dose au série addict. En lui présentant un générique beau et élaboré, la série décuple sa production de sérotonine, flatte son égo – il n’est pas un spectateur de seconde zone - et stimule sa curiosité : American Horror Story et ses génériques – différents selon les saisons – sibyllins et aussi glauques qu’artistiques, s’amusent à distiller de nombreux indices quant au contenu de la saison en question, que les spectateurs décrypteront au fil des épisodes. Mieux encore, son créateur, Ryan Murphy, prend un malin plaisir à garder très secret la moelle de chaque nouvelle saison, et dévoile le générique bien en amont de sa diffusion, afin de laisser tout le loisir aux fans de le décortiquer plan par plan et de se triturer les méninges pour en déceler le thème. Fripouille va !

 

American Horror Story (2011 - ?) Saison 9 : "1984"

 

Resté dans les annales télévisuelles comme l’un des génériques les plus réussis qui fût, la séquence d’ouverture de Dexter et sa sublime routine matinale crypto-mortifère illustre parfaitement ce procédé suggestif subtil, où chaque geste anodin du quotidien trahit la méticulosité cruelle du tueur en série. 

 

Dexter (2006 - 2013)

 

 

Mais il arrive également parfois, qu’en opposition avec cette tendance de prolixité, certains génériques devenus rapidement imparables optent pour le laconisme, à l’image de celui de Stranger Things, voire un minimalisme dystopique particulièrement pertinent – Black Mirror.

 

Stranger Things (2016 - ?)

  

 

Black Mirror (2011 - ?)

 

 

Quel qu’en soit le format, le générique télévisuel est donc devenu une entité propre, une œuvre du 8ème art à part entière. Vous y réfléchirez peut-être à deux fois désormais avant de « passer l’intro » lors de votre prochaine session de binge watching...

Oh, et ça, c’est juste pour le plaisir :

 

Twin Peaks (1990 - 1991)

 

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