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Le vidéoclip nineties

15/11/2022
Grandeur et décadence

Souvenez-vous de l’époque bénie des robinets à clips : MTV, VH1 et consorts, déversant avec frénésie des hectolitres de vidéos musicales léchées, vitrines mouvantes des univers bigarrés croisés d’interprètes flamboyants et de clippeurs géniaux, tombées, depuis l’avènement du monde parallèle baptisé « les internets », dans une désuétude indiscutable. Oui, des clips se tournent toujours, évidemment, et les chaînes musicales ont laissé leur place à Youtube, mais nous évoquons ici une époque bien précise - couvrant la fin des eighties, et toute la décennie qui suivit - celle où les réseaux sociaux n’étaient encore qu’un fantasme dystopique Orwellien, et le clip, le seul lien virtuel presque palpable entre un artiste et son public. Cette donnée, croisée à l’entrée en scène de phénomènes pop aux identités aussi marquées que Madonna, Michael Jackson ou Björk, féconda une quantité phénoménale de créations artistiques au possible, signées par la crème de l’aristocratie cinématographique, d’alors et en devenir. 

Car si le terrain vague de la conception sérielle s’est vu tranquillement squatté par Hollywood au fil des deux dernières décades – David Fincher avec Mindhunter, Baz Luhrmann avec The Get Down, Jane Campion et son Top Of The Lake, Spielberg et Band of Brothers, Scorcese et Vinyl, les Wachowski et Sense 8, Paolo Sorrentino et son The Young Pope... - c’était à l’époque le vidéoclip qui formait les futurs - ou divertissait un temps les - réalisateurs à gros potentiel d’oscarisation. Il n’était donc pas rare alors pour un Martin Scorcese – Bad de Michael Jackson – Brian DePalma –  Dancing In The Dark de Bruce Springsteen – ou Tobe Hooper, paternel du charmant Massacre à la Tronçonneuse - Dancing With Myself de Billy Idol - de signer les vidéoclips des copains. Bon nombre de grands metteurs en scène, adoubés depuis par la critique, ont d’ailleurs été formés par la sémillante école du clip.  

Exemple jouissif de l’incursion d’un cinéaste dans le domaine du vidéoclip, What It Feels Like For A Girl, réalisé par Guy Ritchie, Monsieur Madonna de l’époque et réalisateur du cultissime Snatch, présente une Mado en mode dure à cuire embarquant mamie dans une folle cavalcade motorisée en mode GTA dans LA. À ne pas reproduire chez vous. 

Guy Ritchie « What It Feels Like For A Girl » Madonna, 2000

 

 

PROPAGANDA FILMS : le vivier.

Il était une fois une bande d’impétueux rejetons d‘écoles de cinéma bouillonnants de talent et intrépides. Bien conscients de leur don indécent pour créer des formats courts qui marquent la rétine et les esprits, ces six petits prodiges de la Steadicam décident de lancer leur propre société de production, intelligemment baptisée Propangada Films. Les six gars en question s’appellent Steve Golin, Sigurjón Sighvatsson, David Fincher - Se7en, Fight Club, Zodiac, The Social Network - Nigel Dick, Dominic Sena et Greg Gold. La Révolution est en marche. Nous sommes en 1986, et le gang Propaganda s’apprête, avec la complicité d’MTV, à coloniser les tubes cathodiques du monde entier. Pubs et clips d’abord, puis séries – Twin Peaks, c’est eux - et cinéma, ils seront très vite partout, et collaboreront avec les futurs plus grands – David Lynch donc, mais également Michael Bay, Spike Jonze, ou encore Steven Soderbergh. L’écurie Propaganda a défini le style visuel des années 90, en mettant en boîte les hymnes de l’époque.

 

WORK OF DIRECTORS : A top five.

    1. John Landis « Thriller » Michael Jackson, 1982

 Le pionnier du genre. LE clip qui a ouvert les portes de tous les possibles pour les créatifs des générations suivantes. Un véritable court métrage d’épouvante de plus de 13 minutes, et réalisé par Monsieur « Loup Garou de Londres » en personne, John Landis, s’il vous plaît. Des moyens considérables, des effets spéciaux fous, une chorégraphie incroyable - entrée depuis dans la postérité - et un scénario qui aurait dû faire s’étouffer sur leur cigare les grands pontes des stations TV précitées plus haut : nous l’avons rêvé cauchemardé, Michael Jackson l’a fait. 

 

               

    2. Spike Jonze « Weapon Of Choice » Fatboy Slim, 2000

Faire un choix parmi l’œuvre des trois prochains vidéastes de la liste fut un véritable crève-cœur, tant ces trois créatifs en puissance  ont été prolifiques, chacun dans leur genre respectif. Jonze, peut-être le plus éclectique des trois, a très probablement couvert tout le spectre de l’idée qui tue au cour de sa carrière, du clip guérilla filmé sur un vulgaire trottoir avec le caméscope de papa – Praise You, déjà pour Fatboy Slim – au court métrage déstabilisant – Da Funk des Daft Punk – en passant par les pastiches de séries vintages – l’incroyable Sabotage des Beastie Boys, Buddy Holly de Weezer… Ici, Jonze nous démontre avec panache que réaliser un clip très très cool, c’est pas si compliqué : un palace déserté, un morceau entraînant, et un acteur culte déchaîné prêt à donner un peu de sa personne… et voilà ! Le frétillant Christopher Walken, tout en charisme et déhanchés endiablés, nous envoie un fulguropoing de coolitude en pleine tête, et franchement, on en redemande. 

 

 

    3. Michel Gondry « Je Danse Le MIA » IAM, 1993

Là encore, coton de faire un choix. Sorte de papa bricole du clip - et désormais cinéma – Michel Gondry s’est littéralement fabriqué sur mesure un joli monde ingénu fait de décors en carton pâte et d’effets spéciaux artisanaux ultra malins, qui a fait fondre tout le gratin musical, des Chemical Brothers à Kylie Minogue, en passant par Sir Paul McCartney et les White Stripes – à voir absolument : le clip en LEGO de Fell In Love With A Girl. Nous avons choisi ici de rendre hommage, en bons français orgueilleux, aux débuts du petit génie frenchie avec Le MIA d’IAM : culte. 

 

 

    4. Chris Cunningham « All Is Full Of Love » Bjork, 1997  

Ovni inquiétant du lot, Chris Cunnigham tamise un brin ses élucubrations glauques habituelles – voir les exactions en latex du Monsieur pour le non moins étrange Aphex Twin * âmes sensibles, s'abstenir * – le temps d’un délicat interlude érotico-robotique pour la princesse elfique de la pop. Dans une atmosphère blafardée au néon, deux droïdes Björkesques s’adonnent à une romantique mécanique des fluides : car la machine est amour, les enfants. 

 

 

    5. David Fincher « Freedom 90 » George Michael, 1990

Quintessence du glamour nineties, Freedom 90 nous offre sur un plateau d’argent le panthéon de la beauté de l’époque, grâce à un casting de supermodels qui ferait se décrocher la mâchoire de tout être humain doté d’une bonne acuité visuelle. Filmée par le génie absolu de l’image David Fincher, cette débauche chaloupée de sex appeal hédonique se déguste comme telle, sans disserter : c’est beau comme un éditorial de Vogue Magazine, point barre. 

 

 

Alors oui, évidemment, cette liste est loin d’être exhaustive, et nous supputons déjà les « Quoi ?!  C’est tout ?! Et Jonas Akerlund ? Et Anton Corbijn ? Et Mark Romanek ? Le type a vu deux de ses œuvres – Bedtime Stories de Madonna (encore elle !) et Closer de Nine Inch Nails – intégrées à la collection permanente du MoMa de New York ! C’est pas rien quand même ! » Non ce n’est pas rien en effet. Quand on vous dit que les clips de l’époque ont marqué la culture pop…

Alors qu’en est-il aujourd’hui ? Et bien c’est très probablement du coté du jeu vidéo qu’il va falloir chercher l’originalité, à l’image de la vidéo Astronomical du rappeur Travis Scott, qui s’est payé le luxe d’un petit concert conceptuel dans l’univers virtuel pas franchement peace and love de Fortnite. Indissociables l’un de l’autre, musique et jeu vidéo s’unissent donc sur un nouveau terrain de jeu créatif terriblement meta, offrant une exposition exponentielle aux artistes qui s’y aventurent. Le clip 2.0 en somme.

 

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