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Science fiction eighties, Kate Bush et baladeurs

05/07/2022
Le retour de hype de la K7 audio

Si vous entrez encore comme un gant dans votre petit uniforme de geek, vous avez déjà très probablement savouré avec délice - et ce, au moins une fois... okay… peut-être deux - la quatrième saison du teen show le plus stylisé de tous les temps : Stranger Things. Il ne vous aura donc pas échappé qu’un personnage secondaire - qui s’était déjà pas mal incrusté dans les évocations rétro des saisons précédentes, entre épaulettes dévergondées, coupes mulets en gestation, et autres téléphones filaires oh so vintage ! - s’offre un quasi premier rôle dans l’incipit de cette nouvelle saison : le baladeur K7 de Max, qui distille intempestivement la voix sublime de la grande Kate Bush - antidote à un trépas surnaturel ultra traumatique imminent - à travers le prisme délicatement suranné de la bande magnétique. Une exposition inespérée pour cet équivalent phonique de la fille la plus impopulaire du lycée, qui devient soudainement reine de la promo. La cassette audio, à l’instar du vinyle, redeviendrait-elle cool ?

 

 

Il faut bien avouer que cette fantasmagorie eighties nous fait doucement rire, nous qui avons expérimenté - du moins en partie - cette époque assez improbable et ses vignettes fiscales multicolores, millésimes chamarrés de deux décennies automobiles flanqués sur le pare-brise de la Lancia de papa. Oui nous, qui fument affublés de tenues aux limites de l’agression visuelle par des parents inconscients, qui n’y réfléchissaient pas à deux fois avant de se griller une Gauloise sans filtre au volant – la première d’une longue série - vitres remontées et gosses hyperactifs sur le siège arrière se disputant le règne sur l’autoradio justement, pendant l’interminable chemin des grandes vacances. Et puis, en même temps… la cassette audio fait quand même assez bien office de madeleine de Proust, qu’on se le dise. On ne sait pas pour vous, mais nous là, rien que d’en parler, on est tout chose. Un flot de souvenir précieux nous submerge. Une foule de petits rituels désuets et absurdes - ah… le fameux rembobinage au stylo… - de situations cocasses - la cassette sortie éviscérée et agonisante d’un baladeur capricieux - nous reviennent en mémoire… Autant de petits souvenirs ambivalents, que la patine du temps emplit de nostalgie.  

Nul besoin d’avoir atteint un âge canonique pour avoir conscience du caractère cyclique des modes. Pour savoir que les gloires pop du passé n’ont qu’à patienter quelques années pour se voir attribuer le qualificatif « vintage » et être happées par une nouvelle génération rejetant avec délectation – un moment – la modernité hygiénique du vingt et unième siècle. Il faut dire qu’acheter un support audio tangible, à l’heure du tout numérique, est une quasi procession de foi militante, un acte de rébellion, un moyen d’émancipation... particulièrement lorsque celui-ci affiche un son un brin bancal, bien loin de la perfection clinique du digital. Tiens, l’émancipation justement, quoi de mieux que la cassette audio, support malléable par excellence adopté avec ferveur par toute une génération de compileurs compulsifs libérés de la passivité du vinyle, soudainement acteurs de leur écoute et artistes anonymes, taguant frénétiquement les jaquettes de leur mix personnalisés? Des gamins qui avaient tout compris au vrai romantisme, celui qui consiste à confectionner avec un dégoulinant amour juvénile, une mixtape toute spéciale pour l’élu(e) de son cœur. Et c’est là peut-être que le rôle quintessentiel de la K7 se révèle : la transmission. Ce format un tantinet cheap, on avait aucun scrupule à le corrompre de nos enregistrements punks personnels, de mixtapes consciencieusement composées qui se passaient frénétiquement sous le manteau dans les couloirs du collège, et que l’anti-ergonomie de la K7 obligeait à écouter dans l’ordre décidé par son auteur. Pas étonnant que la cassette ait été le format de prédilection des bootlegs et autres enregistrements pirates…avant d’être réduit au silence par le compact disc. 

 

 

Depuis le milieu des années 2010, et la délicieuse colonisation de nos salles obscures par les Gardiens de la Galaxie, l’intérêt porté à la bande magnétique ne fait qu’augmenter. Le marché de la cassette audio affiche d’ailleurs une impressionnante croissance de 30% cette année. Un engouement sans doute peu étranger au retour en grâce dans la culture populaire des années 80 et 90 - peut-être les dernières décennies à avoir eu un certain charisme niveau production musicale - amorcé par le fétichiste du walkman Peter Jason Quill, a.k.a Star-Lord, héro dissident de la saga galactique de Marvel sus nommée. Une époque... vintage donc, et en conséquence cool, regorgeant de dégaines rebelles et approximatives et autres concepts anachroniques forcément pertinents pour tout ado en perdition, persuadé de sa propre inadéquation avec ce monde, oh si cruel. Il est donc assez jouissif de voir une jeunesse née sous cataplasme mélodique immatériel envoyer balader le pragmatisme aseptisé du streaming pour le grain particulier, imparfait mais terriblement patrimonial de notre bonne vieille cassette. Au diable la praticité prophylactique! C’est dans ses défauts que réside tout le charme de la cassette. Ce mécanisme analogique terriblement visuel - bien plus maniable que le vinyle - et tous ces sons si caractéristiques - les clics des boutons qui s’enclenchent, le clac de la fin de bande, le bruit strident de la marche rapide - sa fragilité palpable aussi, qui mue parfois les auditeurs en véritables petits chirurgiens, appliqués à démêler une vomissure de bande alambiquée pour réanimer leur mélodies préférées… tout cela à la fois peut-être, contribue désormais à sortir de temps en temps la génération Z de la boulimie musicale désaffectée du streaming. Les voilà qui écoutent un album, sans sauter de piste. Déjà compliquée sur un vinyle, cette pratique est franchement usante, et donc rapidement abandonnée, sur cassette. Les voilà qui découvrent la beauté artisanale des mixtapes sur format K7. Le concept de « listes de lecture » aujourd’hui adopté par Deezer, Spotify et consorts, sous sa forme originelle. Le charme de l’objet en plus.

 

 

L’aspect relique de la cassette n’a d’ailleurs pas échappé à de nombreux artistes mainstream qui  n’hésitent plus à ajouter la mention K7 à la liste de formats investis par leurs créations. Arctic Monkeys, The Weeknd, Daft Punk, et même l’inusable Madonna, seraient bien mal avisés de se priver du cachet délicieusement suranné de la bande magnétique : un coût de fabrication absolument dérisoire - 1€50 par pièce - pour des joujoux divinement photogéniques, instantanément estampillés « collector », que les fans s’arrachent. À l'instar de Marvel, qui en fit de même pour les B.O. des Gardiens de la Galaxie volumes 1 & 2, les créateurs de Stranger Things, gourous du cool précités, ont souhaité une sortie K7 de la bande originale merveilleusement eighties de la sitcom, écoulée comme des petits pains. Les bacs K7 sont même de retour chez les quelques rares disquaires survivants, alors qu’une section éponyme est soudainement cliquable sur le fameux site de vente en ligne ennemi juré de ces derniers. De leur coté, les cassettes réellement vintage, elles, se vendent à prix d’or sur les internets. Étant donné que certains opus de Prince immortalisés sur bande magnétique peuvent atteindre les 4000 dollars, il vaudrait peut-être le coup de jeter un œil au prochain vide grenier de votre village natal… Une lubie générale qui relance un business en sommeil depuis une bonne vingtaine d’années. À l’heure actuelle, une seule usine de production est encore recensée en Europe, elle est située…en Normandie. Cocorico. 

Les puristes hurleront peut-être à la récupération consumériste, la cassette ayant été le support privilégié des alternatifs, d’obscurs groupes débutants dont elle était la parfaite carte de visite. Sans doute le secret de la résilience du format, qui s’était vu tacitement intronisé fétiche des mouvements musicaux interlopes. Aujourd’hui, cassettes de Dua Lipa et baladeurs s’achètent chez Urban Outfitters. Soit. Toujours est-il qu’il est agréable de voir un support audio qui a marqué des générations entières, réputé aculé, résister à l’extinction. De pouvoir choisir, selon son humeur, le moyen - physique ou non - qui parlera le mieux à notre petit cœur de mélomane. Et peut-être même, de refiler un jour la compil’ sans âge produite par nos soins en 97 - celle-là même qui avait valu une sacrée hausse de notre cote de popularité au sein de la 5èmeB d’ailleurs - à notre progéniture, qui sait?

Et puis juste pour le plaisir :

 

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