À l’ère du numérique, du sans fil et du streaming, une confusion revient souvent lorsqu’il s’agit d’utiliser le Bluetooth ou le WiFi. Lequel choisir pour une utilisation nomade, dans quelle mesure est-il judicieux de préférer le WiFi à la maison, ou encore quels sont les avantages de l’un par rapport à l’autre.
Dans ce dossier sur la musique sans fil, nous allons décortiquer les deux technologies afin d’identifier de manière claire les utilisations de chacun, tout d’abord le Bluetooth, puis dans une seconde partie nous ferons le point sur le WiFi.
Le Bluetooth voit le jour dès 1994 dans les laboratoires de Nokia afin de trouver une alternative à l’infra-rouge et ses contraintes de visibilité direct. Il fait partie des WPAN - Wireless Personal Area Network - ces réseaux sans fil faible portée et avait pour objectif de permettre la communication sans fil entre deux périphériques de même marque ou non.
Une fois les premiers tests concluant passés, il fallait rapidement baptiser cette nouvelle technologie avant commercialisation. L’un des ingénieurs, grand amateur d’histoire, avait fait le parallèle entre la philosophie d’unifier tous les périphériques derrière une technologie universelle et Harald Blåtand “Bluetooth” 1er de Danemark. Ce roi à la dent bleu avait réuni les tribus danoises et la Norvège lors de son règne. Le nom de Bluetooth est ainsi resté et fête cette année son 25e anniversaire.
Le clin d’œil au roi Blåtand va plus loin puisque les initiales HB forment également le logo du Bluetooth. En alphabet runique, H et B sont respectivement « Hagall » et « Bjarkan » (voir image ci-dessous). En plaçant ces deux symboles l’un sur l’autre, on découvre alors ce logo désormais connu de tous les technophiles.
Depuis 25 ans, le Bluetooth a beaucoup évolué. Par son débit bien sûr (passé de moins d’1Mbps à 3Mbps en 2 versions), mais force est de constater que la tendance la plus forte impose au Bluetooth d’être un protocole de communication très basse, voire très basse consommation. Cette tendance tout à fait logique vient du fait qu’on l’utilise sur des appareils nomades - sur batterie donc - elle doit ainsi consommer le moins possible.
L’arrivée du Bluetooth 4 Low Energy (LE) viendra d’ailleurs confirmer cela dès 2010. Une question se pose alors, peut-on tirer le meilleur d’une technologie si celle-ci doit être économe en énergie ? L’audio est un parfait cas d’école, nous y répondrons plus bas.
Au quotidien, le Bluetooth est on-ne-peut-plus-simple. Dès lors que l’on a 2 appareils Bluetooth devant soi, il suffit de les appairer (indiqué à chacun avec quel périphérique créer une connexion). Une fois la connexion établie, ils pourront s’échanger des données. Dans les faits, il faut y regarder de plus prêt pour tirer le meilleur du Bluetooth.
La technologie Bluetooth permet le transfert de données. Or il est nécessaire de lui donner les outils pour reconnaître les données à transmettre. Il existe autant de profils que d’utilisation possible du Bluetooth. Dans le cas de l’audio, il s’agit du profil A2DP.
Tout fichier audio transmis via Bluetooth sans exception utilisera le profil A2DP pour transmettre les données. Il agit un peu comme le cahier des charges du transfert de données audio. Si le Bluetooth définit les normes de transfert de données de manière générale, les profils vont quant à eux les appliquer à une catégorie de fichier, ici l’audio.
Viennent ensuite les codecs. Ils sont très importants puisque ce sont eux qui vont gérer l’encodage, la transmission puis le décodage de votre musique.
Il en existe un certain nombre, nous nous concentrerons ici sur SBC, aptX, aptX HD, aptX Adaptive, et LDAC dans la mesure où ils représentent une large majorité des codecs utilisés.
Il s’agit du codec par défaut. Exigé obligatoire pour tout périphérique A2DP par le SIG - le Bluetooth Special Interest Group - il permet de garantir l’universalité du Bluetooth audio.
Pour que deux périphériques communiquent entre eux il est impératif qu’ils parlent le même langage. Le codec définit ce langage (en réalité la manière de compresser / décompresser un fichier). SBC est ainsi le codec minimal nécessaire au transfert d’un flux audio numérique via Bluetooth.
Si son universalité fait sa force, le SBC pâti par nature de sa recherche de compromis. Le SIG cherchant à réduire l’utilisation d’énergie par le Bluetooth, il a développé le SBC en ce sens. On notera également que le codec s’assure également de ne pas compromettre la stabilité de connexion, il limitera ainsi son débit à 328kbps. Très loin des 1 144kbps de la qualité CD native, le codec SBC ne garantit en aucun cas une reproduction audio fidèle. Les données traitées sont compressées mais également épluchées afin de réduire la bande passante au maximum.
On notera donc que dans une situation où la musique envoyée est de qualité 16bit 44.1kHz, on écoutera finalement une musique proche du mp3. Pire encore, si les musiques sont en mp3, alors le fichiers perdra à nouveau des informations lors de l’encodage.
Nous vous invitons donc à vous tourner vers d’autres codec lorsque c’est possible.
Contrairement à SBC, aptX est un codec commercial, aujourd’hui sous le pavillon de Qualcomm. L’histoire de la technologie aptX est assez amusante puisque si elle est aujourd’hui synonyme de Bluetooth, elle a vu le jour presque 10 ans plus tôt - au cours des années 1980 - pour ses qualités de conversion en temps réel.
Bien qu’aptX soit une alternative au SBC, il est important de noter qu’il n’est pour autant pas aussi répandu sur les périphériques et qu’il est nécessaire que les deux appareils (émetteur et récepteur) soient tous deux compatibles pour en profiter. Si seul un des deux est compatible, alors le SBC se chargera de l’encodage puisque compatible par défaut sur les deux périphériques.
Très performant dans la transmission de données sans fil, la technologie aptX est capable d’envoyer des flux 16bits 44.1kHz en tenant compte de la qualité de traitement du fichier. Bien que le débit d’aptX soit équivalent au SBC à 352kbps, son fonctionnement est par essence plus respectueux du fichier. aptX consumera potentiellement plus rapidement la batterie de votre téléphone, mais il compressera la musique de manière plus ingénieuse.
Alors que SBC utilise une topologie LPCM - c’est à dire qu’il transmet l’information complète d’un échantillonnage à un moment donné - aptX lui préfère l’ADPCM - l’Adaptive PCM. L’ADPCM n’envoie l’échantillonnage complet qu’une seule fois, ne s’en suivent alors qu’une suite de variantes par rapport à la dernière donnée reçue. À cela s’ajoutent des correctifs d’erreurs anticipés par le codec. Il est ainsi possible de réduire de manière très significative la quantité d’informations à transmettre (seulement ¼).
Attention cependant, cette compression n’est pas sans dommage pour votre musique puisqu’il s’agit d’une compression avec pertes. Très faible mais avec pertes tout de même. Cela étant, l’écoute via un périphérique compatible aptX sera tout de même bien supérieure SBC. Bien que son niveau de bruit moyen soit équivalent au SBC (de l’ordre de -92dB - un CD est à -96dB), aptX est également beaucoup plus efficace à coder, envoyer puis décoder l’audio. Si le temps de latence n’est pas très important pour la musique, il l’est certainement plus si vous regardez une vidéo pour garantir un son synchronisé avec l’image. AptX affiche une latence d’à peine 1/10e (à environ 60ms) de celle du SBC.
Suite au succès d’aptX, Qualcomm a dévoilé en 2010 une seconde technologie offrant plus à la transmission Bluetooth avec notamment la possibilité d’envoyer des flux HD jusqu’en 24bits 48kHz. Pour se faire, aptX HD augmente la vitesse de transmission des données à 576kbps. Tout comme la version classique, son taux de compression est de l’ordre de 4:1 puisqu’un flux 24bits 48kHz natif exige un débit de 2,3Mbps. La technique est très similaire à l’aptX traditionnel : profiter d’une compression avec perte de données judicieusement sélectionnées tout en ajoutant 2 bits par plage de fréquences, passant ainsi à 10 bits sur la plage 0-5,5 kHz, 6 bits sur la plage 5,5-11 kHz, 4 bits de 11 à 16,5 kHz et enfin 4 bits de 16,5 à 24 kHz.
En résulte alors un niveau de bruit abaissé à -112dB, et à l’écoute une plus grande transparence et une meilleure image générale.
Qualcomm est ensuite allé plus loin encore en annonçant en 2016 son codec aptX Adaptive. Ce nouveau codec, plus intelligent, s’adapte à ce que vous souhaitez envoyer comme données afin que la priorité soit donnée aux paramètres dont vous êtes le plus susceptible de profiter.
Lorsque vous écoutez de la musique, aptX Adaptive va alors vous proposer la meilleure qualité possible, au détriment par exemple du délais de réponse (latence). Au contraire sur YouTube ou Netflix, il préfèrera une transmission ultra rapide du flux audio pour éviter tout décalage entre l’image et le son.
Qualcomm annonce des débits pouvant aller de 276kbps à 420kbps selon l’utilisation pour un taux de compression allant de 5:1 à 10:1. La firme pointe également du doigt que si le débit se limite à 420kbps, aptX Adaptive est bel et bien capable de traiter les flux HD. Les 6 ans qui ont séparé aptX HD de cette nouvelle version ont tout simplement permis à l’équipe Qualcomm d’améliorer leur algorithme de compression.
Le dernier codec que nous voulons vous présenter dans ce dossier - LDAC - est ni plus ni moins développé par un grand nom de l’audio : SONY.
Il s’agit là sans aucun doute du codec le plus performant en termes d’audio puisqu’il est capable de transmettre des fichiers jusqu’en 24bits 96kHz avec une compression minimum des données. Une aubaine pour tous les aficionados de haute-fidélité, si tant est que vous possédez une source et une enceinte compatibles.
Sony ne partage que peu de caractéristiques sur sa technologie. C’est notamment le débit autorisé qui fait les grands titres avec le choix entre un flux à 330kbps, 660kbps ou un impressionnant 990kbps !
Ne vous réjouissez cependant pas trop vite, si nous vous disions en début de ce dossier que le Bluetooth classique est théoriquement capable de transmettre un flux jusqu’à 3Mbps, dans les faits, ce chiffre se situe plus concrètement autour d’1Mbps utilisable. Pourquoi ? Simplement parce le flux de votre fichier audio n’est pas la seule donnée transmise en Bluetooth. D’autres fonctionnalités du téléphone utilisent probablement quelques kilobits. Quand bien même, chaque paquet envoyé est suivi d’une très éphémère période de non-transmission de données. Quelques millisecondes seulement mais lorsque l’on regarde le nombre de paquets envoyés, les temps de pauses s’accumulent rapidement.
Rajoutons enfin les perturbations réseaux causées par d’autres périphériques émetteurs (Bluetooth, WiFi), les obstacles aux ondes (murs, arbres, etc.) Tout cela s’ajoute à réduire le débit maximum utilisable.
On s’aperçoit alors que le débit annoncé de 990kbps s’approche dangereusement des limites du Bluetooth. À ce niveau de débit, la source émettrice devra se trouver extrêmement proche du casque ou de l’enceinte Bluetooth au risque de constamment perdre la connexion.
Il sera néanmoins possible de gagner en stabilité en abaissant la qualité à 660kbps. Nous ne vous recommandons pas de descendre en dessous avec ce codec, de nombreux tests ont établi que le SBC et surtout les technologies aptX reprennent alors le haut du tableau.
Notons que depuis les dernières version d’Android, les technologies aptX, aptX HD et LDAC sont intégrées par défaut permettant aux téléphone d’être des périphériques compatibles par défaut.
Ci-dessous un tableau récapitulatif des flux audio de chacun des codec
source : SoundGuys
Vous avez peut-être entendu parler du Bluetooth 5. Son annonce a fait l’effet d’une bombe en 2016 puisque la SIG annonçait pouvoir désormais proposer des débits 2 fois plus importants tout en multipliant par 4 la portée de votre appareil, rien que ça. Malheureusement dans les faits, le monde de l’audio ne devrait pas profiter de ces avancées avant un long moment.
Tout d’abord, Bluetooth 5 enfonce un peu plus la technologie dans l’économie d’énergie. Elle est d’ailleurs une évolution plus concrète du Bluetooth 4 LE que du Bluetooth classique.
Le Bluetooth 5 ne prend d’ailleurs pas en charge le profil A2DP, tout comme le Bluetooth 4 LE. Sans prise en charge du profil par défaut, les fabricants doivent prendre le temps de l’implémenter à leur périphérique. Nous n’allons pas retenir notre respiration…
Ensuite, sans entrer dans des détails trop techniques, le Bluetooth 5 est en réalité capable de ne proposer simultanément qu’une meilleure portée de ses ondes, ou un flux plus important des données. Quand bien même il serait possible d’écouter de la musique, impossible donc d’écouter de la haute définition à 150m de son téléphone, dommage.
Enfin, aucune obligation technique avancée n’étant obligatoire, les fabricants ont tendance à intégrer les puces Bluetooth sans prendre la peine de les optimiser. Or cette optimisation est primordiale pour pousser le Bluetooth dans ses retranchements et atteindre un flux de donnée optimal. Bien que cela ne soit pas spécifique au Bluetooth 5, il y est plus sensible encore.
En réalité, Bluetooth 5 est surtout une technologie tournée vers l’Internet of Things, c’est à dire la transmission de micro-données sur une durée limitée plutôt qu’à la transmission de flux lourds et sur une durée prolongée comme l’est l’audio.
Dans la situation actuelle, nous vous conseillons de ne pas attendre de votre enceinte ou de votre casque sans fil qu’il décode vos musiques HD de manière ultra fidèle. Aucun codec Bluetooth n’est capable de transmettre un flux compressé sans perte de données, encore moins en natif.
Le Bluetooth est idéal pour une utilisation nomade ou pour une installation rapide. Par exemple écouter sa musique dans le train ou passer ses playlists sur son enceinte sans fil.
Si vous êtes à la maison et que vous souhaitez profiter du côté pratique de la musique sans fil sans compromettre la qualité audio, nous vous conseillerons de vous tourner vers des solutions WiFi. Notre prochain volet de ce dossier traitera justement des avantages du WiFi par rapport au Bluetooth et l’usage que l’on peut en attendre.
Partie 1 | Le Bluetooth