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Trépas annoncé du support physique

22/11/2022
Quelles conséquences pour l’industrie cinématographique ?

NDLR : Chers lecteurs, oui, nous nous apprêtons, une fois de plus, à enfiler nos bon vieux gros sabots de grabataires réactionnaires de la culture cinéma. Mais écoute donc jeunesse cinéphile, car ce que nous avons à te dire est important. 

Ventes de DVDs et Blu-Rays semblent dangereusement en proie à la grande sorgue. Jusque là rien de bien nouveau sous le soleil. Un constat inéluctable, qui ne surprendra personne. Mis K.O. par les plateformes de streaming, les supports physiques voient leur commerce asphyxié par l’offre cosy et dématérialisée de Netflix et consorts, qui choisissent systématiquement de bouder l’expérience cinéma traditionnelle - sortie en salle, puis sur disque laser - afin de s’assurer un droit de vie et de mort implacable sur leurs productions. Mais quelles vont être les conséquences de cette deliquescence inévitable du support physique sur l’avenir du cinéma? 

Et bien c’est Matt Damon, acteur superstar/scénariste oscarisé/producteur émérite, qui, invité d’une émission au concept pas franchement intellectuel - Hot Ones sur Youtube - injecte un peu de substance au débat, en secouant les puces des producteurs et cinéphiles :

« Les DVD représentaient une part non négligeable de notre business, de nos revenus. Aujourd’hui, les technologies ont rendu ce support obsolète. Avant, nous pouvions nous permettre de ne pas récupérer l’ensemble de recettes d’un film sur la sortie en salle, parce que nous savions que le DVD allait sortir dans les six mois et que nous allions continuer à faire de l’argent avec ce support. C’était comme une deuxième sortie au cinéma. Maintenant que les DVD ont en quelque sorte disparu, on ne peut plus vraiment faire les mêmes films. » Il développe :« Par exemple j’ai fait ce film qui s’appelle ‘Ma vie avec Liberace’. Quand je suis allé discuter avec les exécutifs du studio, ces derniers m’ont expliqué que le budget serait d’environ 25 millions de dollars et qu’ils devraient sortir 25 millions supplémentaires pour les frais publicitaires. Ça nous ramène à 50 millions de dollars. Or, il faut reverser la moitié de ce qui est récolté aux exploitants. Donc, concrètement, il faut que le film rapporte 100 millions de dollars pour qu’on commence à faire des bénéfices. Alors l’idée même de récolter 100 millions de dollars avec cette histoire d’amour entre deux hommes, avec des personnes que j’adore, est devenue un pari très difficile à relever. Mais ça ne l’aurait pas été dans les années 1990. À l’époque, on pouvait faire ce genre de films. »

 

 

Il semblerait donc que les premiers à subir l’impact collatéral de ce désintéressement généralisé pour Blu-Rays et DVD soient les films indépendants, un investissement bien plus aléatoire qu’une énième castagne entre superhéros en spandex pour les producteurs, particulièrement une fois privés du filet de sécurité que représentait une sortie physique. Difficile pour ces derniers de rentrer dans leurs frais sur la base unique d’une sortie en salle, de surcroit lorsque celle-ci s’avère de moins en moins attrayante pour le cinéphile 2.0, devenu franchement pantouflard ces dernières années. Finis donc les retours en grâce potentiels de longs métrages restés confidentiels lors de leur sortie en salle, comme nous avons pu en connaitre dans les années 90, lorsque les cinéphiles s’entichaient à retardement de certains films - parfois borderline nanars - et se passaient leurs VHS ou DVD sous le manteau, leur octroyant instantanément le statut culte tant convoité par les réalisateurs. Ce fut le cas de Mad Max, Dirty Dancing, Blade Runner, Fight Club ou Massacre à la Tronçonneuse par exemple. 

Résultat des courses : les productions les plus subtiles sont bridées, et un pan énorme des créations actuelles semblent calquées sur un modèle mercatique certes éprouvé, mais pas folichon d’un point de vue créatif. Pis encore, cette triste tendance pose de nombreuses questions quant à la pérennité des oeuvres cinématographiques. Car à l’heure des catalogues filmiques éthérés proposés par les plateformes, et puisque plus rien n’est gravé dans la pierre le polycarbonate, toute nouvelle création peut se voir à tout moment supprimée de l’offre streaming disponible pour atterrir dans les limbes du cinéma. Menacées en permanence par le couperet de l’épuration intempestive de leurs catalogues par les plateformes, les films n’ayant pas bénéficié d’une sortie physique disparaissent purement et simplement de l’inconscient collectif. Un despotisme qui met en péril la visibilité des oeuvres sur le long terme, leur aptitude à constituer le témoignage d’une époque, à s’inscrire dans l’histoire du cinéma. Allez, filez renflouer votre DVD/Blu Ray-thèque voulez-vous? C’est l’avenir du cinéma qui en dépend.

 

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